Depuis le début du XIX° siècle, la majorité des commentateurs place la forêt de Brocéliande en Bretagne, à l'Ouest de Rennes, l'assimilant à l'actuelle forêt de Paimpont. Curieuse identification que celle-ci quand on sait que les textes fondateurs du mythe arthurien (XII° et XIII° siècles) disent Brocéliande bordant la mer de Cornouailles (la Manche actuelle) et aux Marches de la Petite Bretagne (sur une ligne défensive érigée dès le XI° siècle à l’initiative des ducs de Bretagne, passant par Dol, Combourg, Fougères, Vitré et fortifiée jusqu'à Nantes). Dans la langue du XII° siècle, les Marches de Bretagne ne sauraient souffrir d'autre acception. Vers 1200, le « conte de la dame à la fontaine », s’appuyant sur une source galloise plus ancienne qui sera également reprise par Chrétien de Troyes, situe le château de Brocéliande à proximité de l’océan.
Paimpont, à l'évidence, ne répond pas à ces critères. Mieux : nul lieu-dit ne se nomme ici «Brocéliande» ou «Bréchéliant», ni aucune des formes anciennes du nom.
Le premier détournement historique se produit au XV° siècle. En 1467, Guy XIV de Laval, seigneur de Tinténiac, Bécherel, Montfort, comte de Laval et baron de Vitré, assimile dans sa «Charte des Usements de Brécilien», pour la première fois, la fontaine qu'il nomme «Barenton» pour l'occasion à la «fontaine qui bout» des légendes arthuriennes. C'est là une manière de renforcer la thèse qu'il défend en se prétendant descendant des anciens rois d'Armorique. Mais qu'on ne s'y trompe pas : la forêt de «Brécilien» est vaste. François René de Chateaubriand s'en explique (Mémoires d'outre tombe) : «Au douzième siècle, les cantons de Fougères, Rennes, Bécherel, Dinan, Saint-Malo et Dol, étaient occupés par la forêt de Bréchéliant». Et le grand écrivain breton d'ajouter : «je tiens Bréchéliant pour Bécherel, près de Combourg.». En citant un vaste massif forestier allant jusqu'à la mer (Saint-Malo), entourant Dol et Combourg, Chateaubriand nous met sur la voie d'une localisation de Brocéliande conforme à la littérature arthurienne des XII° et XIII° siècles.
Au XIX° siècle, la forêt de Paimpont est peu à peu assimilée à Brocéliande : Georges Bertin s'en explique dans une note de bas de page (La Quête du saint Graal et l'imaginaire, page 74) :
Marcel Calvez, dans sa thèse : «usages productifs, usages touristiques et aménagement du territoire. Le Val sans Retour (1820-1984)», soutenue à Paris X en 1984, a montré que l'identification de la forêt de Paimpont en Ille-et-Vilaine à l'antique Brocéliande s'opère au début du XIX° siècle réalisée à partir de la désignation du tombeau de Merlin en 1824 par Blanchard de La Musse qui «met en scène des lieux de légende à partir d'un mégalithe considéré comme un vestige celtique. Ils réalisent le passage d'une représentation littéraire dominante à un territoire réel». Cette topographie légendaire ne fera que s'enrichir sur cette base tout au long du siècle.
Aucun élément probant ne permet de situer Brocéliande à l'Ouest de Rennes. Nous ne sommes ni aux marches de Bretagne, ni sur les rives de la mer de Cornouailles. Puisqu'à l'évidence le site de Paimpont ne répond pas aux critères dépeints par les textes anciens, où se situe vraiment la forêt de Brocéliande ?